La monstrueuse première bugne du parcours (1km avec un passage à 20%) vient d’être franchie relativement bien. Je suis parti très cool sans me mettre dans le rouge mais, dès la première descente après à peine 15’ de course, je suis stoppé net, perclus de crampes. Je ne parviens même pas à m’accroupir pour m’étirer un peu tellement mes cuisses sont douloureuses…
Petit retour en arrière…
Depuis longtemps, je voulais tenter un doublé : 2 triathlons format ironman à 2 ou 3 semaines d’intervalle. Ce printemps, j’ai donc tenté d’enchaîner le Frenchman XXL et le Tours’nman XXL mais ça ne s’est vraiment pas bien passé. Aussi, avant de tirer le rideau sur ma saison 2018, je voulais retenter le coup en faisant un autre ironman le premier weekend de septembre, quelques jours après l’Embrunman du 15 août.
J’avais donc le choix entre :
- L’Austria Triathlon Podersdorf XXL, épreuve déjà courue en 2003 à l’époque où je passais du temps en Hongrie. Sympa mais à plus de 1100 km d’Annecy, soit 12h de route au bas mot… On oublie.
- Le Cologne226 Iron Distance, à « seulement » 800 km d’Annecy (8h30 de route, hors bouchons habituels en Allemagne) mais disputé sur un parcours multi-boucles en AR au milieu de zones urbaines périphériques plus ou moins industrielles et à un tarif d’inscription presque équivalent à celui d’un ironman labellisé pour une organisation un peu olé-olé (parcours vélo modifié plusieurs fois en quelques jours durant le mois d’août)… On oublie.
- Un triathlon « off » à la maison à faire tout seul comme en 2014 mais, cette fois-ci, sur un parcours vélo plus vallonné et plus sympa en un seul AR dans les Bauges. Tout était prêt sauf la motivation sans l’atmosphère ni l’adrénaline d’une compétition… Mais on n’oublie pas (je garde ce projet de « off » sous le coude pour plus tard car le parcours auquel j’ai pensé et que j’ai mesuré sur openrunner est chouette).
- Et enfin, le Powerman Zofingen, épreuve support du championnat du monde ITU de duathlon longue distance.
Là, certains lecteurs attentifs feront remarquer que, le Powerman Zofingen, ce n’est pas un triathlon, c’est un duathlon. C’est vrai : c’est un duathlon. Un truc assurément moins « fun », moins « in », moins « regardezmoicommejesuisbeau » qu’un triathlon. Mais un truc plus dur, plus douloureux, plus traumatisant qu’un triathlon. Une boucherie.
Les plus perspicaces feront aussi remarquer que les distances vélo et course Zofingen ne sont même pas celles d’un triathlon ironman. C’est vrai aussi. Mais les plus informés (ou les plus anciens c’est-à-dire ceux qui, comme bibi, s’intéressaient déjà au triple effort dans les années 90) leur rappelleront que bien des stars du triathlon, qui ont brillé à Hawaii ou à Roth comme Isabelle Mouthon, Jürgen Zäck ou Mark Allen himself, se sont aussi illustrées à Zofingen et ont alors déclaré avoir souffert comme jamais sur le parcours martyrisant du Powerman.
A l’époque, à l’image de Hawaii, Roth ou Nice, le Powerman Zofingen était un incontournable des épreuves multisports longues distances et, pour avoir le droit d’y participer, il fallait gagner son slot sur une épreuve qualificative plus courte. Depuis, le triathlon est devenu olympique ; les épreuves format ironman se sont multipliées à travers le monde et le nombre de triathlètes a décollé. Le duathlon, lui, a périclité ; les épreuves ont disparu les unes après les autres et Zofingen est plus ou moins sorti des radars médiatiques.
Alors oui, le Powerman Zofingen n’est pas un triathlon ironman mais, pour un vieux de la vieille comme bibi, pour un gars qui a découvert l’univers du multisport en dévorant les Triathlète Magazines des années 90, le Powerman Zofingen reste une épreuve mythique et… flippante.
Pourquoi flippante ? Pas à cause des presque 2000m+ de son parcours vélo (le mec, il bombe le torse : il vient de faire Embrun !) mais à cause de ses parcours course à pied monstrueusement cassants pour un gars comme moi qui n’aime pas les côtes et les descentes abruptes. Vraiment pas l’idéal pour un mec qui aime rentrer dans sa bulle et se caler sur un rythme régulier pendant des heures (mais j’ai lu qu’il fallait parfois savoir sortir de sa zone de confort alors…).
Maintenant, reste un petit dilemme personnel (le mec, il aime se torturer mentalement) : dans le cas (souhaitable) où tu parviens à franchir la ligne d’arrivée du Powerman Zofingen, pourras-tu sans vergogne considérer cette épreuve comme une étape de ton 50@50 ? Il manque quand même 3.8km de natation, 30km de vélo et 2km à pied.
Réponse : oui, pour autant que je nage 3.8km, que je pédale 30km et que je coure 2km supplémentaires de mon côté, en « off ».
Problème : c’est bien beau mais il n’y a pas de lac à Zofingen alors où vas-tu nager ?
Réponse : oui mais c’est la Suisse alors, des lacs, c’est pas ce qui manque et, le plus proche, c’est le Sempachersee à 25km de Zofingen en direction de Lucerne.
Problème : c’est bien beau mais, le matin de l’épreuve, entre le lever du jour vers 6h45 et la fermeture du parc à vélo à 8h10, tu n’auras pas le temps de nager 1h15 dans le Sempachersee, de te changer, de faire le trajet en voiture jusqu’à Zofingen, de te garer plus ou moins près de la zone de transition et de faire le check-in de ton vélo avant l’heure limite.
Réponse : pas faux… je nagerai le soir, après l’épreuve !
Problème : c’est bien beau mais ce n’est pas très prudent de te mettre à l’eau quand tu seras laminé par le Powerman. De plus, tu veux participer à la pasta-party de clôture pour profiter de la soirée avec les autres galériens du jour. Même si tu pédales tes 30km et si tu cours tes 2km d’extras au petit matin avant le Powerman, tu n’auras pas le temps après l’épreuve de récupérer ton barda, de faire le trajet Zofingen-Sempachersee, d’y nager tes 3.8km, de te changer et de revenir à temps pour 19h.
Réponse : pas faux… alors je nagerai mes 3.8km dans le Sempachersee le samedi soir ou le lundi matin (petit arrangement entre moi et moi), je courrai mes 2km d’extras en échauffement avant le Powerman et je pédalerai mes 30km d’extras en retour au calme juste après l’épreuve (m’est avis que ce sera dur avec mes cuisses fracassées). Si je fais tout ça, alors je pense que je pourrai compter le Powerman Zofingen dans mon 50@50, non ?
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Samedi 1er septembre, départ d’Annecy vers 9h et arrivée à Zofingen quatre heures plus tard (bouchons sur l’autoroute après Berne). Inscription sur place en dernière minute et, sous une pluie fine, repérage rapide des installations du Powerman et du stade d’arrivée monté autour du parc à vélo. Ce n’est pas Roth (dix fois moins de participants) mais c’est quand même tip-top.
Ensuite, je reprends la route pour 25km supplémentaires jusqu’à mon hébergement à Sursee, au bord du Sempachersee,. Sur place, il pleut toujours et il fait un peu frais. Alors, après une courte négociation entre moi et moi, un accord est trouvé pour ne pas nager mes 3.8km N off tout de suite et attendre lundi matin, au réveil.
Dimanche 2 septembre, POWERMAN ZOFINGEN DAY !
Réveil à 5h, avant la sonnerie. Départ de Sursee pour Zofingen à 7h. Quelques minutes à tourner pour trouver une place de parking et rejoindre ensuite la zone de transition sur mon vélo. Puis bike check-in rapide vers 8h avant 20 petites minutes d’échauffement en course à pied sur une des seules parties plates des parcours, les pavés du vieux Zofingen => mon premier extra du jour, les 2km CP off, sont largement faits.
9h04, départ de la vague Open LD (la mienne). Temps gris et frais (11°C) mais sec.
Course à pied 1: panique à bord
CP1 : 10km en 2 tours avec 260m+ cumulés, 50 % bitume et 50% chemins forestiers bien compactés
Je pars très cool et franchis sans encombre la monstrueuse première bugne du parcours (1km avec un passage à 20%) mais, dès la première descente après à peine 15’ de course, je suis stoppé net, perclus de crampes. Je ne parviens même pas à m’accroupir pour m’étirer un peu tellement mes cuisses sont douloureuses.
Panique à bord et tempête sous un crâne. Je n’ai jamais connu çà. L’épreuve débute à peine et je suis déjà en détresse. Tout le monde m’a doublé et je suis seul sur les chemins dans la forêt qui domine Zofingen. Pendant de longues minutes, comme un zombie, je marche.
Et puis, dès que la pente redevient moins sévère, je trottine à nouveau. Et ça repart… à deux à l’heure pour le reste de la première course à pied. Avec de grosses contractures dans les cuisses et la peur au ventre à chaque descente.
=>52’49 pour les 10km de CP1. A trois ou quatre exceptions près, le parc à vélo est vide lorsque j’y parviens enfin.
Première transition: on n’est plus à quelques minutes près
Le temps de changer mes chaussures, d’échanger mon maillot vélo contre un coupe-vent (mais pourquoi cette connerie ?????!!!!! Contre le vent, j’aurai l’impression de traîner un parachute pendant les heures qui suivront) et de boucler mon casque =>2’24
Vélo: assurer le coup
V : 150km en 3 tours avec 1900m+ cumulés
Jusqu’au dernier moment, j’ai retardé mon inscription pour être sûr qu’il ne pleuvrait pas le jour J et que la traversée du vieux Zofingen à se taper sur des pavés au début de chaque tour serait à peu près sèche (le DaJo n’a toujours pas repris confiance sur son vélo). Je suis crispé sur ce gros kilomètre et je passe quasiment à l’arrêt les virages à angle droit.
Ensuite, à part une courte bugne à la sortie de la ville, ce sont 18km roulants mais majoritairement contre le vent sur lesquels je m’applique à bien mouliner pour détendre au maximum les quadriceps.
La première bosse significative, celle de Mühlethal (2km avec des passages à 10%) passe bien, en souplesse. Et je commence à remonter pas mal de monde. La descente qui suit est bien raide, un peu technique et abimée sur sa partie haute. Prudence.
Ensuite, il faut emmener du braquet jusqu’à Reitnau et le début du Wiliberg, la deuxième grosse bosse du parcours (4km à plus de 7% de moyenne). Je reste encore prudent. De toutes façons, après ma première course à pied catastrophique, je n’ai plus d’objectif chrono aujourd’hui. Je veux juste essayer de finir le vélo proprement et pas trop entamé pour avoir une chance de courir les 30 kilomètres de la seconde course à pied… (tu parles d’un mental de compétiteur (sic)).
La descente du Wiliberg, sur une route étroite mais en bon état, est vraiment raide et technique avec une succession d’épingles serrées. Puis c’est un dernier talus bien sévère d’environ 700 ou 800m qui oblige à tout remettre à gauche sans transition. Avant une dernière descente elle aussi bien pentue et étroite qui se termine par un brusque virage à droite pour rejoindre la grande route via… un chemin agricole !!! Mais ici, c’est la Suisse alors ce chemin agricole est à peu près bien goudronné (si la descente de Chalvet à Embrun était dans cet état, ce serait le bonheur).
Enfin 6km de plat vent dans le dos pour terminer la boucle avec le sourire.
Nous ne sommes pas nombreux, il n’y a aucun problème de drafting, le parcours est bien sécurisé et les ravitaillements sont nickels (la boisson iso locale est bien assimilable et les bidons ne sont pas à moitié remplis ici (suivez mon regard)). Bref, je commence à me faire plaisir et, quoi qu’il m’arrive sur la deuxième course à pied, je me dis déjà que je reviendrai.
Deuxième tour idem avec moins de retenue et plus de plaisir.
Troisième tour idem avec moins de jambes mais toujours plus de plaisir.
PS : pour la petite histoire, comme 42km195 n’avait plus mes Flapjacks favoris en stock, j’ai avalé des Snickers sur le vélo pour faire le plein de calories (tu parles d’une diététique de compétiteur (sic))
=>4h32’42 pour les 150km de vélo. Le parc à vélo est plein à 80% (à vue de nez) lorsque j’y parviens enfin (ben mon vieux…).
Seconde transition: tranquille
Le temps de changer mes chaussures et de quitter coupe-vent et casque =>2’39 (mais bordel qu’est-ce que j’ai bien pu foutre ??)
Course à pied 2: le plaisir enfin
CP2 : 30km en 3 tours avec 600m+(?) cumulés, 40 % bitume, 20% pavés et 40% chemins forestiers bien compactés
La première partie du parcours est relativement plate mais courir sur les pavés du vieux Zofingen tabasse un peu alors le démarrage est difficile. Je suis crispé, les cuisses sont encore un peu contracturées et je redoute la première descente.
La montée sur le plateau du Heitern est mortelle (la côte Chamois d’Embrun me parait bien douce à ce moment-là), avec deux passages à plus de 20% où ceux qui courent sont rares (j’en fais partie). Plateau du Heitern plus cool à part deux talus bien raides mais courts.
Puis il faut repartir en sens inverse. Et là, c’est tournée de champagne car mes cuisses encaissent la descente tant redoutée. Certes, je suis aussi souple qu’un bout de bois (en chêne, pas en bambou) mais ça passe.
Alors je me détends vraiment et, comme sur le vélo, je cours les deux derniers tours avec de moins en moins de retenue et de plus en plus de plaisir.
PS : alternance de gels et de boisson iso pendant 20km puis coca seulement sur les 10 derniers kilomètres.
=>2h23’06 pour les 30km de CP2 soit un chrono final de 7h53’41 avec, en prime, l’accolade de Stefan Ruf, le Big Boss du Powerman Zofingen.
Ensuite ravitaillement au chaud avec d’autres concurrents avant d’aller récupérer mon vélo et mon barda dans la zone de transition, de pédaler jusqu’à ma voiture pour me débarrasser de mon sac et pour m’habiller plus chaudement.
Puis c’est reparti pour 1h15 de vélo supplémentaire : deux boucles sur la partie roulante du début du parcours (sans les pavés !) avec quelques arrêts photos. Effectivement, l’allure ressemble plus à celle d’une promenade dominicale qu’à celle d’une compétition mais bon, je ne m’étais pas fixé de barrière horaire alors… => mon second extra du jour, les 30km V off, sont largement faits.
Maintenant, je peux profiter de la super pasta-party de clôture du Powerman Zofingen.
Pas de doute, je reviendrai. La première course à pied a failli avoir ma peau mais, comme il est écrit sur le t-shirt de finisher qu’on nous a donné, « Powerman Zofingen : I survived ». Même s’il n’y a pas beaucoup de concurrents (ni de spectateurs), c’est vraiment une belle épreuve et une super organisation. A faire et à refaire pour sortir de sa zone de confort.
Lundi 3 septembre, il est 6h40 quand je prends le volant pour rejoindre le Sempachersee, à 5’ de ma chambre. Le jour se lève à peine et il fait bien frais alors j’ai déjà partiellement enfilé ma combi dans ma chambre. A 6h50, après le selfie qui va bien (Jérémie, sors de ce corps !), c’est la mise à l’eau pour 1h10 de natation paisible dans la grisaille relative du petit matin mais dans un lac d’un calme absolu. Plaisant, vraiment plaisant => mon dernier extra du weekend, les 3.8km N off, sont faits… ou presque. A vrai dire, j’aurais sans doute dû nager une dizaine de minutes de plus mais, ici, c’est la Suisse et j’ai eu peur de me prendre une amende pour le stationnement de ma Ford.
Road to 50@50 => « IM » n°26 : checked
(c) photos : ITU, Powerman Zofingen, Alphafoto & bibi