12 juin 2021, belle journée ensoleillée sur Annecy, sans doute le bon moment pour me vautrer lamentablement au tout début d’une sortie vélo, bien taper le bitume, perdre conscience (hémorragie cérébrale), refaire surface aux urgences, passer quelques jours à l’hôpital et bien pourrir mon été.
12 juin 2022, belle journée ensoleillée sur Hanovre, sans doute le bon moment pour fêter l’anniversaire de ma chute en essayant de boucler la 14e édition du Wasserstadt Langdistanz Triathlon, le seul triathlon format Ironman que j’ai trouvé en Europe ce jour-là.
A vrai dire, je ne suis pas prêt. Après plus de 8 mois d’arrêt, je n’ai repris la natation que le 18 mai dernier lorsque la température de l’eau du lac d’Annecy a franchi les 18° et, depuis, je me contente de nager pour le plaisir 2 ou 3 séances de 30’ par semaine au lever du jour avant le bureau. En course à pied, mes sorties les plus longues de 2022 ont à peine atteint 90’.
Il n’y a qu’à vélo que je suis confiant. La météo a été belle en mai et j’ai accumulé des bornes (la grande majorité d’entre elles sur mon Corratec route). C’est d’ailleurs après 2 belles sorties longues durant le week-end de l’Ascension que l’idée de faire « un truc » le 12 juin a germé dans mon esprit (perturbé). « Un truc » pour prendre une petite revanche toute personnelle et faire un petit clin d’œil au DaJo de juin 2021 qui, allongé sur son lit d’hôpital, flippait de devoir arrêter le sport à cause de son cœur trop volumineux selon les toubibs.
Dans le calendrier européen ce jour-là, il n’y a que le Wasserstadt Langdistanz Triathlon. L’avantage avec cette épreuve, c’est qu’elle est organisée sérieusement (das ist Deutchland) mais sans chichi et qu’on peut s’inscrire au dernier moment. L’inconvénient, c’est que l’épreuve se déroule au nord de l’Allemagne et que la perspective de me taper 960 bornes pour atteindre Hanovre via Basel, Karlsruhe, Frankfurt me rebute (sans compter le retour lundi).
Mais bon, l’occasion ne se représentera pas alors je m’inscris le 8 juin et, le 12 juin à 7h, un an jour pour jour et heure pour heure après ma gamelle à vélo, je barbote au milieu des 122 partants du Wasserstadt Langdistanz Triathlon (plus tard dans la matinée, près de 600 triathlètes supplémentaires seront lâchés en trois vagues de départ sur le format half-ironman).
Bien entendu, je n’ai pas fermé l’œil de la nuit précédente mais, depuis l’Embrunman 2018, je commence à m’habituer à cette malédiction de la veille (ça fait quand même chier)
Natation : c’est long… forcément
Les conditions sont estivales et quasi-idéales si ce n’est le vent qui, déjà, provoque un petit clapot dans le canal. Etonnamment, la température de l’eau flirte avec les 23°C aussi, pour la première fois de l’année, je nage sans cagoule néoprène. Peu de concurrents = pas de baston. Bref, tout est parfait.
Le seul hic, c’est que ça me paraît long, très long… forcément vu mon « entraînement » natation de l’année. Pas grave, mieux vaut batailler dans l’eau ici qu’être allongé sur un brancard des urgences :)
=> 1h22’56 pour les 3800m (vous êtes sûrs ?) de natation du Wasserstadt Langdistanz Triathlon. Et le pire, c’est que T1 n’est pas compris dans ce chrono.
Première transition
Transition de vétéran qui n’est plus à ça près et prend désormais son temps : d’abord en trottinant environ 500m pour rejoindre le parc à vélos (et me faire longuement rabrouer par un arbitre pour avoir enlevé complètement ma combi sur le chemin), retrouver mon sac, nettoyer maladroitement mes pieds mouillés couverts de terre, enfiler chaussures, maillot et casque puis décoller enfin.
Vélo : c’est usant… forcément
Premier triathlon sur mon Speedmax reçu fin 2019 et qui n’a pas dû sortir plus d’une dizaine de fois depuis. Il était temps de le baptiser.
Et son parcours de baptême ironman est plutôt sympa. Certes, la boucle doit être parcourue 6 fois mais elle est très variée et jamais lassante, entre zone urbaine de Hanovre et villages, rase campagne et zones plus boisées. Bref, un chouette parcours gentiment ondulé (920m de dénivelé positif cumulé sur les 180km du parcours avec un seul « berg » à passer petit plateau pour bibi à la sortie de Stemmen).
Ce qui est moins sympa toutefois, c’est le vent d’ouest qui souffle fort. De fait, la première moitié de chaque boucle est parcourue en prise et de plus en plus dans le dur. Les immenses éoliennes du coin ne chôment pas aujourd’hui et c’est usant, vraiment usant. Pour les jambes comme pour la tête.
Par contre, une fois le talus de Stemmen passé, le retour vers Hanovre vent dans le dos est rapide et fait du bien au moral.
Pendant les quatre premiers tours, les 122 concurrents de l’ironman dispersés sur une boucle de 30km, ça ne fait pas une grosse densité sur un parcours hyper bien sécurisé par la police et de nombreux bénévoles. J’adore ça.
Ensuite, pendant les deux derniers tours, les quelques 600 fauves du demi-ironman sont lâchés et je me fais littéralement enrhumer par bon nombre d’entre eux. J’aime pas trop mais bon…
Malgré tout, je m’applique à rester concentré et régulier autour de 53’ par tour (34km/h). Pas formidable mais pas grave, mieux vaut galérer dans le vent ici qu’être allongé sur un brancard des urgences :)
=> ~5h18 pour les 180km du parcours vélo du Wasserstadt Langdistanz Triathlon (5h26’45 au temps officiel comprenant T1)
Deuxième transition
Transition de vétéran qui n’est plus à ça près et prend désormais son temps : d’abord dégonfler un peu les pneus car il fait désormais bien chaud et je n’ai pas envie de les retrouver complètement à plat ce soir, nettoyer une nouvelle fois maladroitement mes pieds dégueulasses (saleté de terre), les enduire de vaseline, enfiler manchons de compression, socquettes et runnings… puis me reprendre un peu la tête avec mon arbitre favori qui ne parle qu’allemand et que je n’ai décidément pas envie d’essayer de comprendre aujourd’hui. Je ne sais pas ce qu’il me veut et je m’en fous. Ce que je veux là tout de suite, ce sont des chiottes :)
Course à pied : c’est douloureux… forcément
Marathon en 4 tours variés, jamais lassants mais éprouvants : d’abord un gros kilomètre en plein soleil à travers une ancienne friche industrielle Continental en cours de gentrification (multiples programmes immobiliers neufs ou en construction) puis deux petits kilomètres ombragés sur un chemin graveleux étroit en bordure de rivière pour rejoindre la boucle du Herrenhäuser Gärten.
Très franchement, je n’ai pas du tout aimé cette section en AR (soit 6km/tour) trop étroite à mon goût pour tous les triathlètes encore en course sur le LD et le MD et surtout les innombrables familles locales de sortie à pied ou à bicyclette en ce beau dimanche estival ensoleillé et chaud.
Par contre, même si elle commence par un gros kilomètre éprouvant en pleine cagne et en ligne droite sur pavés auto-bloquants, j’ai beaucoup aimé la boucle du Herrenhäuser Gärten, un joli parc urbain combinant zones sportives, musées, nombreux plans d’eau et même jardins ouvriers.
Parcours quasiment plat à part les passages de pont et le demi-tour marquant la fin de chaque tour : une saloperie car il est placé en haut d’un talus bien raide d’une cinquantaine de mètres qui te force quasiment à marcher à la montée et détruit tes quadriceps à la descente.
Pendant le premier quart du marathon, à part une fugace douleur ventrale après avoir ingurgité un des gels énergétiques fournis aux ravitos (du coup, je n’en reprendrai pas et me contenterai de morceaux de bananes, boisson iso et coca pendant tout le marathon), tout va bien. C’est long, très long mais je cours à 12km/h sans soucis.
C’est ensuite que la galère commence et ne fera que s’accentuer jusqu’à l’arrivée. Les quadriceps commencent à couiner. Pendant encore une quinzaine de bornes, c’est gênant, ça m’empêche de prendre mon pied et les kilomètres se font de plus en plus longs dans ma tête (surtout ne pas penser « trop loin », rester focalisé sur le prochain ravito seulement !) mais c’est encore largement supportable. Je passe le km28 en ~2h30.
Ensuite, je suis dans le dur et passe en mode survie. Mes quadris sont explosés et j’ai mal, vraiment mal. Les kilomètres sont interminables mais je ne m’autorise à marcher qu’aux ravitaillements. En finir au plus vite.
Autant j’étais confiant pour le vélo, autant je me doutais que j’allais en chier sur le marathon. Et, effectivement, je prends cher. Mais c’est pas grave, mieux vaut se fracasser les cuisses ici qu’être allongé sur un brancard des urgences :)
=> 10h51’57 sur la ligne d’arrivée du Wasserstadt Langdistanz Triathlon après un marathon en ~3h55 (4h02’15 au temps officiel comprenant T2).
Visiblement, je n’avais pas cassé assez de fibres à l’entraînement et me suis présenté au départ de cet ironman un peu trop la fleur au fusil. Le marathon m’a remis en place et je finis musculairement HS.
Mais maintenant, c’est fait, mon délire de dernière minute est consommé : le 12 juin 2022, j’ai fêté l’anniversaire de mon hospitalisation 2021 en bouclant mon 31e triathlon ironman, moi qui ai eu si peur de devoir arrêter le sport. C’est un joli pied de nez et je suis heureux.
Heureux mais fracassé… forcément :)
(c) photos Wasserstadt Langdistanz Triathlon